- Biographie -

 

Je suis né dans les faubourgs de Beyrouth quelques mois, avant le début de la guerre civile. Fuyant le conflit, ma famille migre et s’installe à Paris. Nous n’étions pas nombreux, juste ma mère, ma tante, mon cousin (plus âgé que moi de 10 ans), et ma cousine. Nous vivions entassés dans une chambre de bonne sans chauffage, ni même un lavabo, mais, j’étais un enfant heureux, car, j’étais entouré d’énormément d’amour, de bienveillance, et j’avais une très grande complicité avec mon cousin, que je considérais comme mon grand frère, mon meilleur ami, et un peu comme un père que je ne connaissais pas.

 

Peu de temps après mon 10ème anniversaire, mon cousin fut séduit par les Témoins de Jéhovah, et, là, tout a réellement basculé, a une vitesse fulgurante ! Sont seul et unique sujet de discussion, c’était Dieu. Il avait une « mission », qui était de sauver le monde, de guider les autres vers la lumière divine, il disait que rien ne pouvait être plus fort, ou plus important que la détermination de sa foi. Je n’avais plus aucune place dans sa vie.

 

Ma tante et ma cousine l’ont suivi sur ce même chemin et sont également entrées dans cette secte. Je ne voulais pas le perdre, pour rien au monde, alors, j’ai fait comme eux.Je suis entré dans un monde incroyable, ou l’identité, l’individualisme n’était pas admis. Un monde aux règles strictes et opprimantes ; basé sur la peur du jugement des autres, la peur du jugement dernier, peu importe si j’étais un enfant. Le mot enfant, n’avait d’ailleurs plus aucun sens. J’étais comme les autres un soldat de Dieu, un élu qui se devait de ne pas avoir de « mauvaises pensées », de prêcher autant que possible, d’être à la hauteur de cette incroyable chance de vivre à présent dans ce qu’ils appelaient : « la Vérité » !

 

J’avais besoin de liberté, de légèreté, et c’est à 13 ans que j’ai découvert l’alcool. Je savais que les adultes en prenaient pour être bien, alors pourquoi pas moi, du plus, j’étais entouré constamment d’adultes. Je ne fréquentais pas les enfants de mon école, puisqu’ils n’étaient pas dans la Vérité, et dans la congrégation dans laquelle j’étais, il n’y avait pas d’autres enfants.

C’est incroyable à quel point il est facile pour un gamin d’acheter de l’alcool !! J’allais boire, dans les parcs, dans les cours d’immeubles, partout ou je pouvais me cacher, et par la suite, partout où l’on pouvait me voir. A la peur d’être réprimandé c’est substitué une sorte de fierté ! Bon, on m’oblige a être ce que je ne suis pas, mais regardez, j’ose faire des choses interdites pour mon âge. J’ose même être ivre à 15 ans, et tituber dans la rue. Vomir, dans le caniveau, et recommencer a boire. J’ose.

 

Et puis, j’ai découvert la musique, et surtout le rock. Ma mère (qui elle n’est jamais rentrée dans cette secte) m’a offert ma première guitare. C'était fou, car il y avait véritablement deux mondes dans lesquels je vivais. Un totalement sectaire, et l'autre où tout était permis. Par la même occasion, j'ai découvert des auteurs, comme Brel, Brassens, Ferré ou Renaud. J'ai compris la liberté que l'on pouvait avoir sur un morceau de papier, et je me suis mis à écrire, écrire, tout ce que je voulais cracher, tout ce que je ne pouvais pas dire ! 

 

A 19 ans, je n’en pouvais plus. Je voulais faire de la musique, je voulais vivre, je ne pouvais plus faire semblant, alors, j’ai quitté le monde des témoins de Jéhovah J’ai perdu aussitôt mon cousin, par contre l’alcool est resté. Au fur et amure du temps, ma consommation a augmenté au point où elle a pris complètement possession de ma vie.

 

Je ne pouvais plus jouer une note à cause des tremblements, et de toute façon, je n’étais absolument plus lucide. Le manque me réveillait en pleine nuit. Je perdais complètement la mémoire, incapable de dire ou j’étais, avec qui, ce que j’avais fait la veille, ou le jour même. Je faisais des crises d’angoisse à répétition. Je buvais de tout, même de l’alcool à 90°. J’ai cru à plusieurs reprises que j’allais devenir fou. J’ai perdu mon appartement, j’ai été SDF, mais j’ai eu de la chance, ça n’a pas duré longtemps, j’ai retrouvé un logement au bout de 2 mois, mais, 2 mois sans domicile croyez moi, c’est très dur. Dans les derniers temps, il n’y avait plus rien de lucide en moi, juste, des souvenirs de bruits, de sons, un univers ou il n’y avait aucune place pour la vie.

 

C’est uniquement en me réveillant un jour attaché a l’hôpital, après une crise de démence en pleine rue, que je me suis dis, mais c’est fou, si je me suis mis à boire c’est parce que je cherchais une forme de bonheur, de lâcher prise, et là j’ai tout l’inverse. Je me suis trompé de chemin, donc, c’est qu’a la base, j’aime la vie, et si je me donnais juste une chance. Juste une !

Je suis aller voir un médecin, le premier que j’ai trouvé, et pour la première fois de ma vie, j’ai dit : « je suis alcoolique ». Il m’a fait entrer en cure, et aujourd’hui je suis abstinent. Chaque jour je me réveille et je me rends compte que je suis vivant, que je respire, que je rie, que je suis musicien et chanteur, jamais je n’aurais cru ça possible.

 

Mes chansons sont très sombres, mais pas défaitistes. Ce qui m’a fait du bien lorsque j’étais enfant, c’est d’écouter des auteurs qui arrivaient a mettre des mots sur « mes douleurs ». Je me sentais moins seul. Il y a une sorte de fraternité dans la souffrance, qui peut mener vers la lumière. J’adore l’idée de transcender ce qu’il y a de plus noir pour en faire de l’art. C’est simple de faire du beau, avec du beau, mais faire du beau avec du sordide, ça, ça demande un amour infini pour la vie, et un réel sentiment de gratitude. J’essaye de dire en chantant, ou criant: « que c’est possible »…